Film italien réalisé par Mario Bava sorti en 1965. Reprise en 4K le 6 juillet 2016. Avec Barry Sullivan et Norma Bengell

L’espace. Titre et générique apparaissent avec pour fond une musique douce et inquiétante et l’immensité cosmique. On voit alors un vaisseau, puis son équipage, découvert grâce à un lent mouvement de caméra. Les protagonistes découvrent une planète non répertoriée émettant un étrange signal, semble-t-il humain. Ils se posent alors sur la planète, non sans endommager le vaisseau, qui ne peut plus repartir.
Ceci est le résumé du début de La Planète des Vampires, que le public découvre pour la première fois en 1965, et non celui d’Alien, le huitième passager, sorti 14 ans plus tard. Les similitudes entre les deux films vont perdurer tout au long du visionnage et nul besoin de l’aveu officiel de Ridley Scott pour dire que son Alien est une adaptation libre du film de Mario Bava.

La structure du scénario fait écho à celle d’Alien, mais les deux films ont bien plus en commun. Mario Bava crée une forme d’angoisse poétique, loin des habituels artifices, en utilisant des sons répétitifs oppressants et des silences assourdissants. Le vert est ici organique et contraste avec les lumières rouges, tout comme le jaune et le bleu. L’opposition dans le spectre des couleurs permet au cinéaste d’agresser par l’image le spectateur. Ces couleurs vives sont accentuées par l’absence de lumières des couloirs du vaisseau, où le monstrueux peut surgir de partout. Pour Alien, Ridley Scott s’est réapproprié cette peur organique et froide. On retrouve aussi beaucoup de parallèles quant au caractère des personnages dans les deux films. Il est d’ailleurs notable de mettre en avant le personnage de Sanya, femme d’action indispensable au héros masculin.

Tout comme Ridley Scott après lui, Mario Bava s’affranchit du petit budget du film et libère ainsi sa créativité. Le manque de moyen ne lui permettant pas de faire de nombreux décors, il a soigné chaque lieu par une épuration visuelle. Le film, malgré un budget dérisoire de 20 000 dollars, éblouit par sa poésie allégorique, à coups d’effets de lumières et de fumées. Cela permet de mettre en avant dans le cadre les actions et effets désirés. Le côté cheap quant à lui ne rend ce film que plus attachant, avec les rochers en mousse qui bougent au contact des acteurs ou les lambeaux de peau en cellophane.

Aucun vampire suceur de sang aux dents pointus malgré le titre, mais des êtres non définis, des sources de lumières qui vampirisent l’Homme en contrôlant son enveloppe corporelle après les avoir tués. Ces morts-vivants semblent au début être eux-mêmes, mais la supercherie se retrouve vite découverte face aux corps en décompositions. Les « aliens » ont besoin d’hôtes pour survivre, tout comme dans le film de Ridley Scott. La perversion est alors de découvrir qui est lui-même ou un hôte. On pense alors à The Thing de John Carpenter, surtout pour ce qui est de la chute du film. En regardant La Planète des Vampires, c’est tout un pan du cinéma qui prend ses racines et influences, passé l’incontestable ascendant qu’il a eu sur Alien. Des effets de fumées de Steven Spielberg à l’utilisation des couleurs épileptiques de Nicolas Winding Refn (qui est d’ailleurs parrain de la version restaurée du film), l’aspect visuel et poétique par son rapport organique affecte des cinéastes au-delà de la Science-Fiction ou du cinéma d’épouvante. Étrangement, avoir vu les films sortis postérieurement à La Planète des Vampires et qui s’en inspirent influe sur la manière de regarder le film. Le faire ressortir aujourd’hui au cinéma a un sens, la lecture en est différente car on y apporte notre bagage cinéphile moderne.

C’est avec bonheur qu’on replonge dans cette œuvre injustement oubliée. L’influence qu’a un film sur un cinéaste permet en un sens d’alimenter l’obsession visuelle du public. Mais qu’est ce que le cinéaste si ce n’est avant tout lui aussi un spectateur ? À l’instar de Martin Scorcese ou George Lucas, le travail de restauration de films permet de faire redécouvrir au public des œuvres fondatrices et comprendre dans son ensemble le cheminement d’une filmographie.
Très belle chronique pour un film d’apparence ringarde qui, typiquement, vaut d’être vu sur grand écran. Non seulement le film de Bava s’est avéré séminal à bien des égards (ajoutons la présence de Carlo Rambaldi au générique de « la planète des vampires » et aussi d' »Alien, le 8ème passager ») mais il fait montre d’une plastique et d’une invention visuelle remarquables. Mario Bava, ancien chef opérateur des plus grands, fait ici un usage magistral du Technicolor, auquel s’ajoute cette brume cache-misère (comme dans les films de Corman) qui devient un élément de fantasme et d’angoisse extrêmement puissant. Voilà bien une veine à laquelle je me suis sustenté jusqu’à la lie en prolongeant le plaisir jusque dans les enfers mythologiques mais non moins superbes d' »Hercule contre les vampires ».
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Je pense que le manque de moyen stimule la créativité, et en l’occurrence « cette brume cache-misère » ainsi que d’autres artifices bon marché agrémentent le film et donnent une atmosphère qui aurait été très différente avec des moyens plus élevés.
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Celui là à l’air alléchant! faut que je le trouve…
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Il est sorti en DVD il y a deux ans je crois
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Et ressorti dans les salles cet été dans une version chatoyante (restaurée par les bons soin de Nicolas Winding Refn) !
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D’où mon article 😉
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38 années après sa sortie en salle… Je viens de l’apprendre.
Je ne savais absolument pas qu’Alien fut inspiré du film dont vous faites référence.
Merci pour l’information.
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