Batman v Superman: L’Aube de la Justice, sortie DVD le 3 aout 2016. Réalisé par Zack Snyder, avec Ben Affleck, Henry Cavill et Jesse Eisenberg.

Nota : Malgré être une lectrice de comics, je n’ai jamais suivi sur papier les aventures de Batman et Superman. Mon avis est donc celui d’une cinéphile.

Rappel : DC Comics (Superman, Batman, Wonder Woman, Flash, Green Arrow, Green Lantern, …) est une maison d’édition de comics historiquement concurrente de Marvel Comics (Iron Man, Thor, Hulk, Wolverine, Captain America, …), et ce depuis la fin des années 30. Les deux maisons ont souvent été le miroir des créations de l’autre. C’est ainsi que la Justice League est le pendant des Avengers, et vice et versa.

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Batman et Superman, interprétés par Ben Affleck et Henry Cavill

Je ne vais pas revenir sur ce qui fait de Batman v Superman un bon film. Il y a beaucoup de choses à dire sur la bande originale incroyable de Hans Zimmer et Junckie XL, la bonne surprise de l’interprétation de Ben Affleck comme celle de Jesse Einsenberg en Lex Luthor et la patte du cinéaste Zack Snyder ainsi que ses partis pris. Je souhaite avant tout contrer à mon échelle le regard violent qu’a eu le public et la critique à l’égard de Batman v Superman : l’Aube de la Justice et revenir sur le lynchage public dont il a fait l’objet. Car si ce film a certes des défauts, il possède des qualités cinématographiques évidentes qui font de lui une bonne adaptation de comics.

Depuis sa sortie, Batman v Superman et ses créateurs ont essuyé bien des péripéties. Des critiques cinglantes aux pétitions contre le réalisateur, le film a subi un violent matraquage médiatique, alors même que Civil War produit par Marvel et sorti un mois plus tard, a reçu des critiques bien plus clémentes et bienveillantes, malgré à mes yeux un film en deçà de son concurrent. Qu’un film ne plaise pas aux spectateurs est une chose, mais qu’il prenne un tollé aussi violent mérite qu’on s’y arrête et demande un début d’explication.

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Superman, divin ou humain?

Superman est un personnage qui fait parti de la culture populaire. Les occidentaux, même sans connaître les films ou les comics, connaissent ce super héros, symbole américain repris par de nombreux artistes. Le public a une image bien définie de Superman, il renvoie a de nombreux symboles mystiques, intouchables. C’est pourquoi si ce symbole est attaqué, si l’image qu’en a le public est bouleversée, ses valeurs sont détruites. Superman symbole ne peut donc pas au yeux du public être révolutionné, car il est ancré dans l’inconscient collectif. Le public refuse d’être clément quant à la destruction d’une de ces icônes. Zack Snyder a d’ailleurs conscience du Superman idole au sens religieux, et il en joue dans sa manière de construire son personnage. Le fantasme divin que représente Superman est sûrement le parti pris le plus intéressant du film. Au XXème siècle, la foi a reculé auprès des citoyens, et les supers héros ont remplacé ce sacré aux yeux des spectateurs. Dans le film, le questionnement du personnage repose sur la possibilité qu’un dieu puisse vivre parmi les mortels et souhaite être accepté. Dieu n’a alors plus fait l’Homme a son image, c’est l’Homme qui façonne Dieu à la sienne.

Batman V. Superman: Dawn Of Justice
Bruce Wayne et le costume de Robin tagué par le Joker

Quant aux fans qui ont crié à l’infamie face à un Batman ultra violant et meurtrier, Zack Snyder se veut ici cohérent car il nous offre un personnage complètement dévasté et qui a donc perdu son sens moral. Il a vraisemblablement perdu Rachel, Robin a été tué par le Joker, sa maison est détruite. C’est un Batman vieillissant et sombre qui est présenté ici, et l’arrivée de Superman, personnage dangereux car trop puissant pour être battu, devient sa nouvelle cible. Sous le costume de Batman se trouve un homme hanté par ses erreurs, et il voit en Superman un successeur à d’anciens démons : « we just have a bad history with freaks dressed like clowns. ». Batman représente l’humain par sa faiblesse et sa peur. Son humanité ne ressort qu’au contact d’un Superman montré aussi faible que lui donc humain. Ces personnages sont une métaphore de nos propres questionnements et Zack Snyder a encré ce film dans la réalité en y mettant des parallèles évident avec les attentats, notamment au début du film avec un Bruce Wayne impuissant face à la destruction de la ville.

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Clark Kent, Lex Luthor et Bruce Wayne, interprétés par Henry Cavill, Jesse Eisenberg et Ben Affleck

Avec la version longue, qui sortira le 3 aout prochain, Zack Snyder ne fait pas l’erreur de rajouter des scènes qui plairont au public. Il profite plutôt de l’ajout de ces 30 minutes non censurées pour approfondir les personnages et mieux cerner la noirceur de Batman et l’humanité de Superman, notamment avec cette scène où Clark Kent appelle sa mère en pleine nuit, comme un enfant ayant besoin de réconfort après un mauvais rêve. Les scènes ajoutées permettent de mieux cerner la rivalité qui les sépare par leur morale différente. Cette version longue nous permet également de voir pour notre plus grand plaisir une Jena Malone qui avait été coupée du montage pour la version cinéma.

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Lex Luthor, interprété par Jesse Eisenberg, devant de la kryptonite

Pour ce film, la véritable erreur de DC est d’avoir voulu adopter la même politique Cinéma que Marvel. Le film s’écroule alors face à la volonté de DC de lutter contre son rival dans la course aux blockbusters. Là où Marvel a mis en place en commençant avec Iron Man en 2008 un univers cohérent, DC patauge en voulant rattraper la maison aux idées et imbrique trop de nouveaux univers dans un même film. Le film ne devrait suivre que son sujet déjà lourd, mais il est écrasé par d’autres personnages introduits grossièrement. Et c’est alors que des supers héros, tel que Flash, Aquaman et Cyborg, qui auraient dû avoir leur propre film pour entrer avec un bagage narratif solide dans la future Justice League, sont présentés à la truelle dans un film où ils n’ont rien à faire, malgré une magnifique scène où Flash vient prévenir Batman d’événements futurs. La vraie force des films DC, ce sont ses bad guys. Les méchants de DC Comics ont une ampleur bien plus sombre et offre une complexité narrative que ne propose pas Marvel. Ainsi l’introduction de Lex Luthor suffisait à porter le film, il n’y avait pas besoin de développer d’autres arcs narratifs, et l’interprétation magistrale de Jesse Eisenberg ne fait que soutenir ce parti pris.

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Le réalisateur Zack Snyder et Gal Gadot, l’interprête de Wonder Woman

Ainsi, l’aspect cinématographique de Batman v Superman n’a pas été le fer de lance des griefs les plus cinglantes du public, mais c’est l’approche que le réalisateur a eu des personnages qui a été l’objet de ce matraquage. Superman lors de son procès a ainsi personnifié le film, lui aussi sous les projecteurs prêt à recevoir son lot de tomates. La version longue, qui vient de sortir aux USA, reçoit des critiques plus mitigées voire élogieuses, et avec le temps les avis sur ce film se voudront surement plus tempérés.