Merci au charmant petit monstre de m’avoir poussé à sortir de ma zone de confort et écrire une chronique litté.

Alors déjà pour commencer il a une allure de premier de la classe beau gosse qui ne me plaisait pas du tout. Ensuite, un peu en chieuse réac, je fuis comme la peste la rentrée littéraire et encore plus les best-sellers. Je suis du genre à emmener ma valise en brocante pour faire le plein de romans à cinquante centimes et à vivre dans Gibert Joseph. Je dévore la littérature anglaise du XIXème et la SF de la première partie du XXème, me forçant presque à l’écœurement à lire un roman récent une fois tous les six mois. L’industrie du livre se porte ainsi très bien sans moi. Donc clairement, quand le jeune suisse Dicker a cartonné avec son roman La vérité sur l’affaire Harry Quebert en septembre 2012 à tout juste 27 printemps, j’ai fait l’autruche (mais il parait que les autruches ne font en réalité pas… l’autruche). C’est parce que j’ai un ami un peu têtu qui me l’a conseillé et prêté que j’ai commencé le premier roman sur son personnage et alter ego Marcus Goldman. Et je l’ai tout simplement dévoré, lu d’une traite en trois jours. Le roman a pourtant de nombreux défauts, il privilégie le fond, délaisse souvent la forme, et les personnages secondaires sont caricaturaux, les rendant presque insupportables. Mais Joel Dicker a un don, il sait captiver son lecteur. Il le manipule en lui faisant oublier des défauts qui sont d’habitudes rédhibitoires pour ne retenir qu’une qualité d’intrigue nette et sans fioriture pendant 670 pages.

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La vérité sur l’Affaire Harry Quebert, c’est l’histoire de Marcus Goldman, jeune auteur de 27 ans (tiens donc) qui après le succès fulgurant de son premier roman, est en manque d’inspiration. Sous contrat avec son éditeur qui menace de l’envoyer au procès s’il ne rend pas rapidement un nouveau manuscrit, il part se ressourcer dans le New Hampshire dans la maison de son ancien prof, compagnon de boxe et mentor Harry Quebert. Peu de temps après, le corps d’une ado disparue 33 ans plus tôt est retrouvé dans le jardin de Harry.

Je n’ai pas l’habitude d’apprécier les romans policiers, et cela tombe très bien car celui-ci n’en est pas un. L’enquête est menée par Marcus et permet ainsi de ne pas tomber dans les codes et clichés du genre, même s’il épaule (ou est épaulé?) par un policier, certes caricatural mais attachant. Pour ce qui est du personnage de Marcus, je ne sais pas jusqu’à quel point Joel Dicker en a fait son alter ego, mais c’est une mise en abime vraiment intéressante qu’on peut retrouver également dans la suite, Le livre des Baltimore.

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Oui c’est une partie de ma bibliothèque

Et c’était ce roman ma véritable claque. Je pense que la plupart des gens ont préféré le premier tome des aventures de Marcus Goldman, mais la suite s’est montrée à mes yeux plus mature et émouvante, personnelle aussi, car on suit cette fois l’enfance du personnage principal et plus particulièrement de ses cousins, les Goldman de Baltimore, ses meilleurs amis. Dans un roman, je suis plus facilement touchée par des histoires d’amitiés que des histoires d’amour, et après avoir pleuré à la fin de Des souris et des hommes, j’ai pleuré dans Le livre des Baltimore, que j’ai pour le coup dévoré en deux jours, dont une nuit plus que blanche.

Le Livre des Baltimore dépeint la famille Goldman, dont une branche vie à Montclair et l’autre à Baltimore. Les Montclair, dont est issu Marcus Goldman, sont des gens modestes tandis que les Baltimore, dont Marcus voue une admiration sans limite, vivent dans le luxe et une apparente perfection. À travers les souvenirs passés à leur coté, le Marcus adulte tente de comprendre la tragédie qui a frappé cette famille quelques années plus tôt. C’est un roman nostalgique sur le pardon et les désillusions, et permet au personnage de Marcus de prendre une certaine profondeur et de comprendre son présent et ses choix par son passé. Cette fois ci les personnages sont caricaturaux au début parce qu’ils sont vus par Marcus mais à mesure qu’il en apprend plus sur sa famille, les protagonistes prennent en nuances. La maturité littéraire de Joel Dicker est alors illustrée par celle de son personnage. L’écriture gagne également en épaisseur, avec des dialogues moins déclamatoires et un récit plus singulier. Adieu donc les critiques du premier tome!

À travers les deux romans que j’ai lu de Joel Dicker, j’ai assisté à l’épanouissement de l’auteur. Le livre des Baltimore fait désormais parti de la short-list de mes romans préférés, et j’attends avec impatience la sortie d’œuvres nouvelles. C’est avec ce genre d’auteur que j’aime sortir des sentiers battus et vivre des coups de cœur avec des romans contemporains, à l’instar du Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates d’Annie Barrows et Mary Ann Shaffer ou de La disparition du nombril d’Émilie de Turckheim.