Manquant d’inspiration, j’ai parlé de mon problème à mon conjoint qui m’a immédiatement fait une liste d’idées toutes plus brillantes les unes que les autres pour un nouvel article. On aurait presque dit qu’il réfléchissait depuis longtemps à la question, je suspecte une tentative de vol de blog imminente. Le thème qui m’a le plus inspiré était les remakes, car je venais de voir la veille Les 7 Mercenaires d’Antoine Fuqua, remake du film homonyme de John Stuges, lui même remake du film de Akira Kurosawa Les 7 samouraïs. Tout ça a de quoi nous faire perdre la boule, tout en se demandant s’il y a un intérêt artistique et pas seulement pécunier à tout ça. Quand je parle de remake, je met en avant une relecture de film, et non les nombreuses adaptions qu’il peut y avoir d’une œuvre littéraire. Je ne vais évidemment pas parler de tous les remakes, déjà parce que je ne les connais pas tous et ne les ai pas tous vus, ensuite parce que cet article est avant tout une réflexion, je donnerai donc en exemple quelques films pour illustrer mon propos. J’attends avec impatience les remakes qui font partis de vos propres références.

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Les 7 Samourais, Akira Kurosawa, 1954

Il existe des remakes de films tellement connus que la plupart des spectateurs ne savent même pas qu’ils sont la relecture d’un film. Je pense notamment au culte Scarface de Brian de Palma sorti en 1984, remake du film homonyme de Howard Hawks sorti en 1932. La valeur artistique du remake réside ici dans la volonté de faire une relecture contemporaine d’un film, qui fera ainsi écho avec l’actualité. Le scénario écrit par Oliver Stone et le génie du réalisateur en fond une œuvre singulière qui se démarque du film original par sa nouvelle approche visuelle et quant au traitement engagé de la narration. Il en va de même pour Les Infiltrés de Martin Scorsese sorti en 2006 et remake de Infernal Affairs réalisé par Andrew Lau et Alan Mak et sorti en 2002. Dans le film original, l’histoire se déroule à Hong Kong. Je ne pense pas que ce remake soit un manque d’idées de Martin Scorsese, mais plutôt une volonté de s’inspirer de l’histoire pour l’implanter dans la mafia de Boston et de se réapproprier des protagonistes principaux complexes. Les remakes peuvent ainsi être une source d’influence pour certains grands cinéastes qui souhaitent ainsi donner un point de vu nouveau dans leur film et y insuffler leurs propres thématiques. Un film, même ancien, peut aussi soulever des thématiques qui s’adaptent à des sujets brulants de l’actualité. Je pense notamment au The Thing de John Carpenter sorti en 1982 et dont je parle souvent, métaphore de la peur du Sida et remake de La Chose d’un Autre Monde sorti en 1951 et réalisé par Christian Nyby et Howard Hawks (qui décidément est partout aujourd’hui).

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Les Infiltrés, Martin Scorsese, 2006

Mais la volonté de faire un remake ne repose pas seulement sur une influence, elle peut aussi se traduire par une réelle obsession. Dans son remake plan par plan du Psychose de Alfred Hitchcock sorti en 1960, Gus Van Sant crée un film singulier avec son Psycho sorti en 1998. Son film est avant tout un essai artistique, plus une réflexion cinéphile qu’une œuvre de fiction. La véritable différence entre les deux films se trouve dans l’implantation de la couleur et le caméo de Gus Van Sant à la place de celui d’Alfred Hitchcock. C’est se placer entièrement à la place du cinéaste original, sans l’évincer complètement non plus en introduisant un figurant sosie du maitre du suspens. Gus Van Sant réalise ici alors un tour de force technique tout en criant son amour pour un film anthologique. D’une autre manière mais avec la même passion, Peter Jackson fait la même chose avec son remake de King Kong sorti en 2005, d’après son homonyme de 1933 réalisé par Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack. Enfant, Peter Jackson avait déjà fait un remake de son film préféré dans son jardin avec ses jouets, et cette expérience a très certainement nourrie sa vocation. Le remake est alors très loin d’être fait avec la volonté de générer de l’argent, il est plutôt un aboutissement personnel et professionnel.

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Psycho, Gus Van Sant, 1998

En autre aboutissement personnel, un réalisateur peut avoir la possibilité de faire le remake de son propre film, pour toucher un plus grand public ou pour faire une relecture de sa propre vision. Michael Haneke réalise en 1997 Funny Games en Autriche. Le film ne connait pas un grand succès, surement à cause d’un sujet qui ne fait pas l’actualité et étant trop avant-gardiste avec des thématiques comme l’ultra violence chez les jeunes adultes en réponse à la violence récurrente au Cinéma, dans les jeux vidéos et dans les médias. Scream est certes passé par là mais Funny Games est une version moins édulcorée et fun, et la violence réaliste choque les spectateurs. Devenant un sujet brulant et d’actualité dans les années 2000, il réalise le remake de son propre film 10 ans plus tard avec Funny Games US. Là encore le film est un échec, le sujet ayant été depuis rabâché. La réalisatrice Lisa Azuelos tente une implantation aux Etats-Unis quant à elle avec le remake de son propre film LOL sorti en 2008, faisant ainsi avec un plus gros budget et sur le sol américain LOL USA sorti en 2002. L’essai est oubliable mais le remake d’un film est souvent la solution pour les distributeurs américains d’implanter un film étranger sur leur sol.

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Funny Games US, Michael Haneke, 2007

Certains producteurs se sont même spécialisés dans ces remakes de films extérieurs aux Etats-Unis sortis à peine quelques années après l’original. Je pense notamment au film suédois Morse réalisé par Tomas Alfredson et sorti en 2008, soit deux ans avant son remake américain Laisse-moi entrer de Matt Reeves, mais aussi Nom de code: Nina de John Badham sorti en 1993 et remake du Nikita de Luc Besson sorti en 1989. Je citerai également le remake En Quarantaine de John Erick Dowdle, désastre public et critique sorti un an après le film original espagnol de 2008 REC de  Paco Plaza et Jaume Balagueró. Les nombreux autres films étrangers des États-Unis ayant subit des remakes la plupart du temps plus qu’oubliables traduisent la réserve du public américain quant aux films en version originale sous titrée, n’ayant pas comme en France une politique accrue du doublage.

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Morse, Tomas Alfredson, 2008

Le remake peut aussi, au delà du simple aspect financier, être un moyen pour de jeunes cinéastes de faire leurs armes, poussés par le réalisateur de l’œuvre original qui se poste alors en mentor. Je citerai ici deux réalisateurs français, Alexandre Aja qui compte parmi mes cinéastes préférés, et Jean-François Richet. Le premier, qui a réalisé à ses débuts l’excellent Haute Tension, avait été contacté par Wes Craven qui cherchait un réalisateur pour le remake de son La Colline à des Yeux sorti en 1977. Alexandre Aja signe alors en 2006 une œuvre violente, critique écologique engagée sur les essais nucléaires. Il réitèrera l’expérience du remake de films d’horreur avec Pirahnas 3D en 2010 et Maniac en 2012. Ses relectures sont des lettres d’amour ouvertes, presque touchantes (oui, oui, un remake de film d’horreur peut-être « touchant »). La première scène de Piranhas 3D montre une connaissance accrue pour le Cinéma de genre avec le légendaire acteur Richard Dreyfuss se faisant manger en à peine quelques minutes de films, alors même qu’il avait survécu aux requins dans Les Dents de la Mer. Pour Manic, Alexandre Aja a même été jusqu’à refuser la réalisation du film, le produisant simplement, par peur de toucher à l’original, étant son film préféré. Jean-François Richet s’est vu proposer par John Carpenter lui-même le remake de son Assaut de 1976, et sort ainsi en 2005 Assaut sur la central 13. J’y vois ici une reconnaissance mutuelle ainsi qu’une volonté de mettre en avant une jeune génération de cinéastes capables de prendre la relève.

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Maniac, Franck Khalfoun, 2012

Les remakes existent presque depuis les débuts du Cinéma, mais le manque criant d’imagination et d’inspiration, tout comme l’appât du gain facile en approchant des franchises populaires, poussent les studios à produire un nombre grandissant de remakes. Cette année, les remakes de Ghostbuster, Les 7 Mercenaires, Ben-Hur, Peter Et Elliot le dragons, … tous de qualités plus ou moins médiocres, poussent à s’inquiéter sur l’aspect artistique du remake qui aujourd’hui fait plus écho péjorativement dans la bouche des cinéphiles, alors même qu’il en existe de grandes qualités.

Quelques bons remakes dont je n’ai pas parlé pour clore cet article

L’Armée des 12 Singes de Terry Gilliam sorti en 1995, remake de La Jetée, court métrage de Chris Marker sorti en 1962. La Jetée est largement considéré comme un très grand film si ce n’est l’un des plus grands dans de nombreux classements, du Times aux Cahiers du Cinéma. Je vous le conseille vivement, surtout qu’il dure un peu plus de 20 minutes et est disponible très facilement et légalement sur viméo.

L’Invasion des Profanateur de Philip Kaufman sorti en 1978, est certes l’adaptation d’un roman, mais il reprend surtout la trame de L’Invasion des Profanateurs de Sépultures réalisé par Don Siegel et sorti en 1956.

La Mouche de David Cronenberg, sorti en 1986, remake de La Mouche noire de Kurt Neumann sorti en 1958.

Vanilla Sky de Cameron Crowe sorti en 2001, remake de Ouvre les Yeux de Alejandro Amenabar sorti en 1997. Je conseille vivement le remake comme le film original.

Nosferatu, Fantôme de la Nuit de Werner Herzog sorti en 1979, remake de Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau sorti en 1922. Même si l’original est nettement meilleur, la relecture de Werner Herzog est intéressante et vaut le visionnage.

L’Armée des Morts de Zack Snyder sorti en 2004, remake de Zombie de George Romero sorti en 1978. J’avais oublié de le mettre dans la liste mais Coffee Quest a souligné cette regrettable erreur.

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Nosferatu, Friedrich Wilhelm Murnau, 1922