Le blog fait peau neuve. Après la nouvelle rubrique « Ma banlieue Nord », 28 Films Plus Tard met en place une nouvelle catégorie; « Un réalisateur, Trois films ». Bientôt, le design du blog changera également, avec une bannière et un nouveau visuel qui je l’espère ne vous rebutera pas.
On débute ainsi cette nouvelle chronique avec le réalisateur coréen Park Chan-Wook qui en deux décennies a prouvé qu’il est un cinéaste majeur. Je citais d’ailleurs déjà il y a trois ans un de ces films comme faisant parti de mes 42 films préférés. Plongeons donc dans trois de ces films:



Attention spoilers!
Érotisme et secrets de Famille
Il n’y a pas de normalité en sexualité tant que les deux parties sont consentantes. C’est un peu ce à quoi je pense en regardant les films de Park Chan-Wook. Car sexualité et sensualité sont les pierres angulaires des trois films dont je vais parler aujourd’hui. Le réalisateur se questionne sur la norme et sur l’éclosion de la sensualité du début de l’âge adulte. Et la découverte du corps se fait au travers du rapport incestueux, consommé ou fantasmé, avec le père et le frère dans Old Boy, avec l’oncle dans Stoker et Mademoiselle.
Et si le fantasme peut venir dans l’oeuvre de Park Chan-Wook de la figure masculine, il prend aussi bien souvent un visage féminin. Le rapport à l’inceste souligne alors l’incompétence (ou l’absence) de la famille a créer une structure saine et à apporter les valeurs morales qui en découlent. Ainsi dans Old Boy, Mi-Do a perdu sa mère à 5 ans et le père est depuis disparu, l’acte incestueux est alors commis 15 plus tard sans que les deux parties ne connaissent le lien qui les unie. Pour ce qui est de Lee Soo‑ah et de son frère commettant l’inceste, les parents sont des travailleurs acharnés, laissant ainsi libre court aux jeux de leur progéniture. Dans Stoker, India n’apprend l’existence de son oncle que le jour de l’enterrement de son père, alors qu’elle vient de fêter ses 18 ans et qu’elle a pour seule famille proche une mère toxique. Dans Mademoiselle, Hideko est élevée par un oncle lubrique qui l’oblige à lire devant un public de riches pervers des ouvrages pornographiques sadiques. L’exemple d’une cellule familiale équilibrée n’est alors même pas perçu par ces jeunes femmes dont l’éducation morale n’a été qu’ébaucher.
Mais ces femmes qui subissent le désir des hommes de la famille n’en sont pas pour autant des victimes impuissantes, ce qui est d’autant plus marquant à partir de Stoker, où l’oeuvre de Park Chan-Wook prend un virage féministe déjà très présent dans Lady Vengeance (dont nous ne parlerons pas aujourd’hui). Dans Stoker et Mademoiselle, la jeune fille d’apparence si chétive et fragile est un redoutable adversaire face à la monstruosité parentale, douée d’une intelligence accrue tout comme d’une force physique qui était jusque là insoupçonnée. Si les sévices ont été administrée durant l’enfance et l’adolescence, elles sont aujourd’hui la source d’une force qui n’a d’égale que la perversion du parent, ce qui est d’autant plus criant dans Mademoiselle où cette vengeance féminine trouve son apogée.
Car au-delà des sévices subies, les héroïnes de Park Chan-Wook sont des torrents de sensualité et d’amour. Et je dis bien héroïnes, même pour Lee Soo‑ah et Mi-Do de Old Boy, qui loin d’être des faire-valoir et bien que peu présentes à l’écran, sont toutes les deux les moteurs du récit, la première en étant l’amorce de l’acte découlant de l’intrigue, la deuxième celle qui la perpétue. Et pour ces deux là, tout acte n’est raisonné que pour préserver l’amour, tout est pureté. Et cette pureté de la jeune fille en fleur est omniprésente dans l’oeuvre de Park Chan Wook, entre demoiselles pâles et mouvements graciles. Cette fleur sauvage ne se veut empoisonnée qu’à compter de Stoker et se perpétue dans Mademoiselle. C’est au cours de l’intrigue de ces films qu’elle éclot, et elle ne perd nullement de sa superbe.
Un hommage venu de Corée du Nord…
Dans mon article Des Cinéastes et des Muses, j’avais expliqué la différence que je voyais entre un cinéaste et un réalisateur. À mes yeux, le réalisateur est un très bon technicien qui dirige une équipe de professionnels pour faire un film. Un cinéaste, c’est un artiste. En tant que tel, il a des obsessions qu’on retrouve dans chacune de ses œuvres. Et la jeune fille en fleur au sein d’une cellule familiale malsaine sur fond d’inceste n’est pas la seule obsession du cinéaste coréen, et cette idée fixe porte un nom aussi tonitruant que culte: Hitchcock.
La cinéphilie de Park Chan-Wook est née après visionnage de Sueurs Froides, qui depuis est resté sa marotte en plus d’être son film préféré. On retrouve des hommages appuyés visuellement au maître du suspens surtout dans Stoker, qui a beaucoup de similitudes avec L’ombre d’un doute. Là aussi, l’oncle soit disant bien sous tout rapport et séducteur se trouve être un monstre. La référence va même jusqu’à leur octroyer le même prénom. Le visuel de la maison est d’ailleurs criant de ressemblance, notamment avec l’escalier, centre de la maison et théâtre de voyeurisme. Nicole Kidman quant à elle incarne à la perfection la blonde hitchcokienne avec sa beauté glacée, ses aspects sombres et ses désirs inassouvis. Elle n’est alors pas sans rappeler Tippi Hedren dans Pas de printemps pour Marnie.
Dans Old Boy mais surtout Mademoiselle, ce n’est pas tant un hommage de films définis que nous offre Park Chan-Wook, mais le cinéaste se veut un fier élève du maître du suspens en proposant un thriller à l’intrigue décousue et distillée. Hitchcock, on le retrouve aussi dans la perversion de la trame du récit, avec des hommes trop beaux pour ne pas être louches et des femmes aux beautés surréalistes et raffinées. Car Alfred Hitchcock, c’est un amour pour les belles blondes oui, mais à l’esprit affûté et à la classe sidérante. N’en déplaise à Marilyn Monroe qui s’était vue insultée par ce cher Alfred en disant d’elle : «je n’aime pas les actrices qui portent leur sexe sur la figure». Et si l’amour de Park Chan-Wook n’est pas pour les blondes, on retrouve une passion sans fin pour ces poupées astucieuses en quête de liberté et d’indépendance, qui font du cinéaste coréen un des réalisateurs féministes de notre époque.
Si vous voulez plonger à corps perdu dans sa filmo, je vous conseille ces quelques films…
- Joint Security Area (2000)
- Sympathy for Mister Vengeance (2002)
- Lady Vengeance (2005)
- Thirst, ceci est mon sang (2009)
J’attends avec impatience vos retours sur ce réalisateur de génie.
Quel est votre film préféré de Park Chan-Wook?
Il y en a comme ça qui ont des thématiques un peu comme des tocs. Lui c’est l’inceste, Besson ce sont les voitures de police. Bon. Chacun son truc. 😆 Nan mais il passe bien cet article, tu fais une très bonne analyse de fond. Mais est est-ce que ca va donner l’envie à certains d’aller le découvrir, c’est une autre question…
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Ah c’est clair que ce n’est pas l’article qui va susciter des envies de visionnage ! D’ailleurs clairement il s’adresse au spectateur du cinéaste, vu que je spoile à outrance et sans vergogne …
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Aux connaisseurs oui. Surtout que tu analyses pas mal les personnages et leurs parcours
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En fait j’ai revu Old Boy lundi et les rapports entre les personnages dans sa filmo ça m’a sauté à la gueule
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J’aime bien sa trilogie sur la vengeance et Mademoiselle, le reste je trouve ça moyen…
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Ca fait déjà 4 films c’est pas mal ^^ » ! J’ai vu il y a trop longtemps Sympathie for Mister Vengeance et Lady Vengeance, je n’en avais pas eu un souvenir impérissable…
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J’atteins d’avis favorable avec certains réalisateur 🙂
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J’ai découvert ce réalisateur avec Stoker, qui m’a beaucoup marquée. Le film est entre réalité et onirisme d’une façon troublante, les acteurs sont géniaux (même si je trouve Kidman dans ses rôles habituels sans trop en sortir), et j’ai été bluffée par la façon de filmer, la tension qui s’installe, tous ces non-dits, le personnage de l’oncle (bien que la nièce soit bien tordue aussi), le côté inceste certes troublant, dérangeant…mais c’est un bon dérangement, car cela faisait alors longtemps que je n’avais pas vu de films qui m’intriguaient et me marquaient l’esprit à ce point. Et j’adore la scène du piano, magnifiquement rendue avec la partition de Philip Glass. La fin m’avait aussi un peu retournée. Quelque part, j’étais admirative que le réalisateur ose mettre en scène une telle ambiance, de telles relations troubles, en suggérant, sans se censurer, en acceptant parfaitement de déranger. Cela en rendait Stoker fascinant et c’est un cran que j’admire, qui permet d’y penser encore longtemps après. Mais oui, tout ce film est très hitchcockien, très perturbant, et ton analyse lui rend tout à fait hommage !
Je n’ai pas vu du tout les autres films, même si j’ai entendu parler de Old Boy, Mademoiselle et Thirst : ceci est mon sang. Je pense que c’est ceux-ci que je pourrais éventuellement voir à l’occasion.
Certes, les thématiques ne sont pas habituelles, et pas les plus simples à aborder, mais qu’il ose le faire est un beau parti pris et témoigne de sa vision, de son originalité.
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C’est aussi avec Stoker que j’ai decouvert ce réalisateur. Tout est symbolique dans ce film, l’araignée, les statuts,… C’est en effet d’un onirisme et d’une poésie rare malgré les thèmes choquants.
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