L’Éclaireur
Lynd Ward (gravure). Editions Toussaint Louverture / 2020
En seulement six livres, Lynd Ward [1905-1985] s’est imposé comme l’un des précurseurs du roman graphique. Ses histoires, de l’artiste qui vend son âme, aux amants pris dans les tourments de leur temps, en passant par l’homme maudit de ses péchés ou l’ouvrier rebelle à la psyché précaire, ont su capturer un monde plein de contradictions dans des images d’une époustouflante modernité. Sur les pas de Frans Masereel et d’Otto Nückel, ces récits en gravures sur bois, ou romans sans paroles, dessinent les contours d’une œuvre riche et exaltée. Par cette anthologie, nous donnons à voir comment Lynd Ward, innovateur acharné, s’est créé un moyen d’expression rarement égalé en termes de puissance narrative, de construction de personnages, d’imaginaire et de techniques, où le lecteur écrit l’histoire autant qu’il la lit.

Lynd Ward, c’est un fou génial perfectionniste qui est prêt à réaliser une centaine de gravures sur bois pour créer ce que cet artiste appelle un « roman sans parole », et ce dès la fin des années 20. Surement le père fondateur de n’importe quel BD, comics, roman graphique, et influenceur des plus grands (Art Spiegelman et Will Eisner idolâtre le monsieur). La maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture, qui fait partie de celles que j’affectionne tout particulièrement, a fait un travail remarquable en éditant ces romans sans parole, imprimant à taille réelle les gravures sur bois de Lynd Ward dans une édition primée à Angoulême du Prix du Patrimoine en décembre dernier. L’édition est à un budget conséquent (65 euros), mais le travail consacré et tellement sublime que cet objet insolite vaut largement son prix. En tout cas c’est indubitablement la pièce maîtresse de ma bibliothèque. Le travail de Lynd Ward est à mes yeux intemporel et va au delà de la simple dénomination « bande dessinée », c’est une oeuvre d’art dont la beauté peut toucher tout le monde par sa minutie, mon mari le premier, menuisier de son état qui ne lit pas et a pourtant été fasciné par l’oeuvre de Ward.
Peau d’homme
Hubert (scénariste) et Zanzim (dessinateur). Glénat / 2020
Dans l’Italie de la Renaissance, Bianca, demoiselle de bonne famille, est en âge de se marier. Ses parents lui trouvent un fiancé à leur goût : Giovanni, un riche marchand, jeune et plaisant. Le mariage semble devoir se dérouler sous les meilleurs auspices même si Bianca ne peut cacher sa déception de devoir épouser un homme dont elle ignore tout. Mais c’était sans connaître le secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations : une « peau d’homme » ! En la revêtant, Bianca devient Lorenzo et bénéficie de tous les attributs d’un jeune homme à la beauté stupéfiante.

Autre BD primée, petite coqueluche des libraires, Peau d’homme fait définitivement partie de cette époque, traitant de l’égalité des sexes, sexualité, genre, liberté, … Des thématiques bien sérieuses pour une BD trépidante, drôle et légère, sur une jeune fille pleine de convenance qui se libère et s’éveille. Une bouffée d’air frais de mon nouveau scénariste fétiche (Hubert si tu m’entends, je t’adore) et un dessin de Zanzim plein de couleurs et de délicatesse. Un bijou qui a très largement mérité son prix.
Croquemitaines
Mathieu Salvia (Scénariste) et Djet (Dessinateur). Glénat / 2017
Passionné de lecture, Elliott a toujours eu une préférence pour les histoires de Croquemitaines, ces créatures monstrueuses qui, la nuit, se cachent dans l’ombre ou sous le lit. Il n’imagine pas à quel point elles vont changer sa vie… Témoin du meurtre sanglant de ses parents, il va découvrir qu’en réalité, les Croquemitaines existent bel et bien et que des codes très précis régissent leur existence. Lorsque l’un des plus puissants d’entre eux, le « Père-la-mort », se met en tête de le protéger, Elliott se retrouve plongé dans un terrible conflit au cœur d’un univers aussi terrifiant que fascinant dont il devient l’enjeu principal. Par une sombre nuit orageuse, le destin d’Elliott va s’accomplir…

Que se passe-t-il si pour se protéger d’un monstre, on invoquait celui qui vit sous le lit? Croquemitaines, un comics d’horreur bien étrange qui m’a fait pleurer (et c’est je crois la première fois pour une BD) par ses thèmes abordés (la paternité, le deuil, …) traités avec émotion malgré un dessin extrêmement sanglant et sombre. Une pépite insoupçonnée qui mériterait beaucoup plus d’attention.
Dans la Forêt
Lomig (scénariste, dessinateur)
Rien n’est plus comme avant. Le monde tel qu’on le connaît semble avoir basculé : plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, les deux sœurs demeurent seules, bien décidées à survivre.

Adaptation d’un roman américain, Dans la forêt est aussi dur que les montagnes qui entourent ces deux héroïnes qui ignoraient leur force. Le dessin crayonné, sans couleur, est un choix judicieux pour illustrer ce monde post apo fait de forets centenaires où se cachent deux adolescentes qui attendent un retour à la normal impossible. Cette BD, c’est l’histoire de l’acceptation de la fin d’un monde et la force d’en créer un nouveau. Attention tout de même, une scène particulièrement insoutenable devrait refroidir certains lecteurs.
Locke and Key
Joe Hill (scénariste) et Gabriel Rodriguez (dessinateur). Hi Comics / 2010 / 6 tomes.
Keyhouse : un étrange manoir de la Nouvelle-Angleterre. Un manoir hanté, dont les portes peuvent transformer ceux qui osent les franchir… Après le meurtre brutal de leur père, Tyler, Bode et Kinsey découvrent leur nouvelle demeure, croyant y trouver le refuge dont ils ont besoin pour panser leurs plaies. Mais une ténébreuse créature les y attend pour ouvrir la plus terrifiante de toutes les portes…

Passez outre la série Netflix qui ne rend absolument pas justice à cette saga écrite par Joe Hill (scénariste surement le plus présent dans ma bibliothèque). Comics d’horreur particulièrement difficile avec une première scène vous plongeant immédiatement dans l’ambiance et l’histoire, ne faisant aucun cadeau à ses personnages et au lecteur, Locke and key est surement l’un des meilleurs comics américain de ces 20 dernières années, grâce à une ingéniosité scénaristique et visuelle hallucinante (l’intérieur des cerveaux, les scènes cauchemardesques du côté du puis, …). L’intrigue est un mélange des meilleurs romans d’horreur à énigmes, baladant le spectateur d’indice en indice pour appréhender les secrets qui semblent faire partis de la vie de chaque personnage et de la ville toute entière. Bien plus qu’une simple histoire d’ado façon Riverdale comme à oser le faire Netflix, Locke and key est une oeuvre complexe sur le deuil, les secrets familiaux, l’adolescence et la famille. Déjà un classique.
Le Lynd Ward me tente, mais à ce prix, je vais attendre qu’on se cotise pour me l’offrir.
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C’était mon cadeau de Noël de moi à moi-même 😅
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Je pense que ça finira comme ça aussi pour moi. 😁
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J’ai bien aimé « Peau d’homme » aussi
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J’hésitais à le présenter parce que c’est quand même très connu (prix, meilleurs ventes,…) mais je me suis dit qu’il y aurait peut-être des lecteurs qui ne lisent pas/plus de BD et qui ne connaîtraient pas.
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J’ai un ami fan de BD qui me l’a fait découvrir
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Jene connaissais pas Croquemitaines, ça me tente bien !
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