Midnight Mass, mini série de 7 épisodes, écrit et réalisé par Mike Flanagan. Avec Zach Gilford, Kate Siegel, Hamish Linklater, Rahul Kohli et Henry Thomas.

Il y a un peu plus de 2 ans, j’avais écrit un article sur le duo Kate Siegel/Mike Flanagan, que je vous invite à lire pour un peu mieux connaitre ce duo au génie créatif.

ATTENTION SPOILERS

Dans cet article, j’avais envie d’analyser la série Midnight Mass, surement pour mieux cristalliser ma réflexion. Il y aura donc beaucoup d’éléments clés de l’intrigue, et même quelques spoilers sur d’autres œuvres de Mike Flanagan. À lire si vous avez vu la série ou si vous n’avez pas envie de la voir, en espérant que mon texte vous fera changer d’avis…

Mike Flanagan est un sentimental qui offre des œuvres horrifiques complexes. Complexité non dans une compréhension alambiquée du récit, mais dans l’étendu de ce que Flanagan nous raconte. L’horreur n’est qu’un médium pour dénoncer, c’était là tout l’attrait des grands films de zombies de Romero, mais aussi de Carpenter, Craven,… Flanagan est de cette trempe là et nous offre quant à lui une micro société bloquée sur une île, comme une loupe sur une Amérique déviante. Déviante dans sa foi, où les faux prêcheurs moralisateurs se sont appropriés des textes religieux pour mieux les détourner dans une forme d’intolérance crasse. Et c’est là tout le sujet de Midnight Mass. Ce n’est pas une diatribe anti-religieuse, c’est une critique construite sur le danger d’interprétation de textes pour le compte d’extrémistes qui se cachent derrière des paroles qu’ils déforment à leur guise. Nous sommes alors face à de faux prophètes, certains purement mauvais (Bev), d’autres voyant dans les signes la naissance d’un espoir (Pruitt).

Et c’est ce qui m’amène à me questionner sur ce qu’est véritablement la créature venue de Jérusalem dans la malle du Père Pruitt. Pas une fois le vampirisme n’est énoncé, il ne semble même pas traverser l’esprit des personnages, alors même que tous les thèmes sont présents : monstre ailé blafard, buveurs de sang nocturne, immortalité et autre barbecue au soleil. Le spectateur de par son bagage culturel ne peut que interpréter ces codes du cinéma d’horreur vampirique. Mais Midnight Mass n’est pas construit comme un film fantastique, c’est l’interprétation de l’apocalypse vue par une bourgade qui ne veut que y voir un message divin (ou une lecture complètement scientifique avec le docteur Gunning), et en cela notre interprétation en tant que spectateur doit se plier.

D’ailleurs quand Pruitt découvre la créature, il y voit un ange. Pourquoi aurait il tort ? Ce n’est peut-être pas juste l’ange auquel il pense, car rappelons que Lucifer est un ange déchu sur Terre et qu’à plusieurs reprises Dracula et par extension le vampire a été lié à la Bible (Dracula est Judas dans Dracula 2000, Vlad Tepes affronte l’ange Gabriel dans Van Helsing,…). Ce qui compte dans cette analyse de l’état de la créature, c’est le regard que pose sur elle le village, mais également la manipulation de « l’ange », qui a vraisemblablement un plan dès qu’il entend le Père Pruitt prier dans la grotte. Est-ce un plan d’une grande intelligence machiavélique ou seulement la réminiscence de textes déjà entendus, je ne saurais le dire. En tout cas, la série met en avant la transformation du mal, le « démon » est instrumentalisé, à des fins de propagandes religieuses, ou en arrangeant les symboles pour y voir la fin d’un tourment et l’aube d’un espoir.

Car dans Midnight Mass, ce petit monde vit continuellement dans l’espoir, l’attente et les regrets. Dans l’oeuvre de Flanagan, les personnages sont hantés; par eux-même dans The Haunting of Hill House, par des amours perdus dans The Haunting of Bly Manor, par un miroir dans Occulus, … Dans Midnight Mass, les fantômes sont dans les regrets, ceux du père Pruitt de ne pas avoir pleinement vécu son amour pour Mildred et d’avoir vu leur fille grandir « loin » de lui, ceux de Riley qui est métaphoriquement chaque nuit hanté par le fantôme de l’adolescente qu’il a tué, ceux de Joe Collie qui boit pour oublier qu’il a rendu paraplégique une enfant,… C’est l’horreur quotidienne d’un groupe d’individu, encore une fois un microcosme observé à la loupe grâce au cloisonnement de l’île. Et on assiste ici à une évolution de l’horreur qui est passionnante à mes yeux, d’une grande maturité (comparable d’ailleurs à ce que propose depuis longtemps Stephen King, Joe Hill, Guillermo Del Toro, Dario Argento, …).

Le fantastique s’inscrit de façon intellectuelle dans le réel, avec une lecture qui peut être rationnelle, comme le fantôme de la jeune fille tuée par Riley qui apparaît chaque nuit mais qui à mes yeux n’est qu’une métaphore, comme je l’ai dit plus haut. Cela fait de l’oeuvre de Mike Flanagan une horreur personnelle et palpable, comme le 11 septembre, une fausse couche, la maladie,… Le quotidien de l’Homme; son ennui, ses agissements, ses « démons », font partis de la dimension horrifique de la série, bien plus que de la chaire déchiquetée ou un monstre aillé. Et c’est peut-être ce qui a déplu aux détracteurs de Midnight Mass, une horreur insidieuse, fait de monologues sur la vie et la mort, une série qui prend son temps pour distiller l’effroi. Mais c’est bien aussi, savoir prendre son temps sans m’as-tu-vu, une histoire à plusieurs lectures, des personnages construits, interprétés par des acteurs au sommet. Des dialogues philosophiques, qui sont loin des films pop corn movies d’horreur de 1h20, avec un scénario tenant sur deux feuilles de PQ. Midnight Mass, une série qui me hantera longtemps.

Qu’avez vous pensé de la série ou de la filmographie de Mike Flanagan? J’attends vos retours avec impatience!