Chers lecteurs, l’article qui va suivre sera parsemé d’images abjects en tout genre. Les âmes sensibles sont prévenues.

Si vous lisez depuis longtemps ce blog, vous savez que je suis une amoureuse transi de pas mal de monde, de Vincent Price à Park Chan-Wook, en passant par Jordan Peele et Kathryn Bigelow. Mais dans cette cette liste longue comme un bras ensanglanté, il y a Guillermo Del Toro qui figure là haut, au firmament des auteurs à l’univers génial. J’ai vu et idolâtré tous ses films. Alors un nouveau Hellboy sans lui ne m’enchantait guère. Mais la curiosité étant plus forte que la fidélité, je me suis déplacée voir David Harbour en Rouge.

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David Harbour dans Hellboy, Neil Marshall, 2019

Si le film n’est pas grandiose, il a le mérite d’être jusqu’au-boutiste. Ici le garçon de l’enfer a une sale gueule, le cheveux crasseux et filasse, le poil du dos dru, l’œil jaune enfoncé dans l’orbite et le trait dur. Assez loin étonnamment du côté pop et brushing jap’ de la version Del Toro. Le film de 2019 s’enfonce dans le crade et on le suit avec plaisir! On assiste à des pluies de sangs, des organes arrachés avec véhémences et autant de têtes décapitées qu’il y a de plans de fesses dans un film de Kechiche. Et ça fait du bien bordel! Ok c’est le seul point positif du film mais voir un long métrage pour adultes au cinéma est devenu est vrai chemin de croix.

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Hellboy, Neil Marshall, 2019

Le public cible des grands studios, c’est le boutonneux de 15-25 ans. Celui qui suivra une franchise pendant longtemps, qui ira souvent au cinéma (parce qu’il n’a pas encore marmots, métro, boulot). Bref, celui qui apporte le plus l’oseille. C’est ce public type que va adorer la firme au grandes oreilles, parce que money money money. Le problème, c’est que Disney achète, beaucoup. De Marvel à la Fox, en passant par ABC et LucasFilms. On assiste à un navrant et aseptisant calendrier de sorties cinéma, avec des films au mieux accord parental. La preuve en est avec Les Nouveaux Mutants, film qui aurait du sortir en avril 2018 et qui ne cesse d’être repoussé. Disney ne sait que faire des films violents que la Fox allait sortir avant que la firme aux grandes oreilles ne la rachète. Une nouvelle date avait été annoncée pour une sortie du film en avril 2020, mais elle semble à nouveau compromise. La place des Nouveaux Mutants est donc au placard. L’Amérique du nord puritaine s’est réveillée et le rouge n’est pas sa couleur.

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Les Nouveaux Mutants, Josh Boone, supposément 1er avril 2020

Car même dans l’actuel Cinéma d’horreur, le sang n’a pas sa place. Il y a de grands crus courant 2018 et en cette moitié bien rongée de 2019; Ghostland, Us, Sans un Bruit, … qui sont certes effrayants, mais les rivières de sang sont taries, avec quelques exceptions qui sont aussi rafraîchissantes qu’un verre d’arizona glacé sous 42°C. Car quand je parle de films gores et violents, j’entends bien film de qualité, et non nanar avec blondes peroxydés. Car oui, sous leur apparence nanardesque, les films gores ont des choses à dire et à revendiquer. Ils sont souvent des témoins de l’amour du Cinéma de ses réalisateurs, remplies de références pointues et cherchant à présenter de la nouveauté à un spectateur désabusé. La preuve avec ces deux films récents que sont Crawl et Overlord.

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Overlord, Julius Avery, 2018

Le cas Overlord est d’ailleurs surprenant. Des nazis zombies dans la France occupée de 1944, c’est le scénario parfait pour un direct to dvd pour amoureux du navet sanglant. Mais chers lecteurs il n’en est rien. Le film prend son speech au sérieux sans jamais tomber dans le risible, avec des personnages construits, une mise en scène travaillée, du gore à en vomir. Et que la limite du ridicule ne soit jamais franchie classe ce film comme un objet insolite, qui est plus proche d’un Massacre à la tronçonneuse que d’un Iron Sky.

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Crawl, Alexandre Aja, 2019

Crawl à proprement parlé quant à lui n’est pas un film gore, mais il ne se cache pas derrière un hors champs facile. Il montre les crocs sanglants d’un alligator qui a oublié son régime, présente avec concupiscence les blessures béantes, les carcasses entassées et les membres flottants dans une eau peu rassurante. Alexandre Aja voulait faire son Dents de la Mer version croco. Si Crawl ne se laisse pas le temps de grands moments de cinéma comme son ainé, telle la scène du repas où le fils imite le père anéanti, il nous accorde le privilège de 1h28 de nuques tendues et de cœurs se la jouant Lars Ulrich. Alexandre Aja est décidément un amoureux éperdu des requins de Spielberg, ayant déjà fait une référence attachante dans Pirahanas 3D, où dès la première scène il tuait un vieillissant Richard Dreyfus pêchant dans un lac, se faisant tuer par une armée de piranhas alors même qu’il avait survécu à plusieurs films de la saga Les Dents de la mer… Ironie on t’aime!

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Piranhas 3D, Alexandre Aja, 2010

Cette effusion de sang vous a peut-être semblé futile, inutile même dirait certains lecteurs. D’autres diront que la monde est assez cruel et horrible pour ne pas voir au cinéma des boyaux en vitrine. Je répondrais que justement, voir un bain de sang fictionnel dédramatise les choses, prête au rire. Le gore provoque une émotion, et l’émotion c’est le Cinéma. Voir un film avec du sang, c’est aussi voir autre chose que de la soupe cinématographique, avec du grand sentiment et des scènes d’actions vues 10 000 fois, c’est tester ses limites et les limites du crade.

Ce soir, chers lecteurs, je vais voir Scary Stories, et je suis persuadée que les litrons de sang seront aussi rares qu’un tweet intelligent de Donald Trump. Nous attend aussi prochainement The Wedding Nightmare, qui comblera peut-être mon attente de sang frais.

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Scary Stories to tell in the Dark, André Øvredal, 2019