La conception de l’homme évolue à travers l’Histoire et imprègne les mouvances artistiques. Au Cinéma, le héros au masculin a connu des archétypes de personnages virils notamment avec l’avènement des westerns américains puis des westerns spaghettis italiens. En France, les films de Jean-Pierre Melville et d’autres personnifient cette virilité par des acteurs tels que Jean Gabin ou Jean-Paul Belmondo qui en deviennent des symboles. Dans les années 80, cette virilité est même exacerbée par l’arrivée des action men portés par Arnold Schwarzenegger, Sylvester Stallone, Mel Gibson ou encore Bruce Willis. L’art devance souvent les changements sociaux ou en est au moins le reflet. Les personnages féminins évoluent maintenant vers plus de diversités, et des actrices comme Alicia Vikander, Helen Mirren ou Charlize Theron obtiennent peu à peu un statut de femmes d’action. Dans une société où la femme commence à avoir des droits similaires à ceux des hommes, quelle est la place du mâle courageux, moral et invincible dans le Cinéma d’aujourd’hui? Je ne vais pas traiter tous les cas, mais je veux mettre en avant certaines occurrences afin d’étayer mon hypothèse. J’attends avec plaisir votre avis et vos exemples dans les commentaires.

Prenons en premier exemple un monument du film d’action avec le personnage de James Bond. Ce héros est un mythe de la culture pop présent dans 12 romans puis 26 films. Homme à femmes, machiste, expert en combats, invulnérable. Pas si invulnérable pourtant dans Skyfall, où le personnage « meurt » dans les premières minutes du film, cible d’une femme de surcroit. Le mythe était déjà bien attaqué et détérioré, mais c’était sans compter sur le sous entendu bisexuel du personnage avec la fameuse réplique «Qui vous dit que je n’y ai pas goûté?» balancée dans un duel ambiguë avec le méchant du film. La virilité définit plusieurs choses, l’attribut sexuel de l’homme mais aussi ses caractères moraux en tant que genre, qui lui sont culturellement associés (merci Larousse et Wikipédia). Qu’un protagoniste symbole du mâle viril sous-entende une autre forme de rapport humains que l’hétérosexualité bouleverse les mœurs et l’image de l’homme d’action. C’est montrer que la caractéristique de l’homme n’est pas son orientation sexuelle, et en cela la conception de la virilité est chamboulée.

Autre mythe populaire, le personnage de Max Rockatansky autrefois interprété par Mel Gibson dans les trois premiers Mad Max puis par Tom Hardy dans Fury Road. Dans le quatrième volet, le personnage se fait capturer et mutiler dans les premières minutes du film. Sa voiture, symbole du personnage, qui le définie presque dans les autres volets, est modifiée et confisquée. C’est la condition de Max qui est ainsi altérée, l’ennemi va même jusqu’à en faire un simple donneur de sang attaché à l’avant de son propre bolide. Pendant la majorité du film, Max ne fera que subir l’action, suivre la volonté d’autres mais surtout la fermeté des femmes, dont une Charlize Theron en Impératrice Furiosa dominante même dans le combat. L’unique acte héroïque de Max est réalisé dans un brouillard épais, où seul les cris et éclairs d’armes à feu prouvent l’action homérique du personnage. Max héros est ainsi flouté pour laisser plus de places aux autres personnages forts, à savoir des protagonistes féminins. La métaphore de la scène rend le film encore plus incroyable. Le réalisateur George Miller réinvente le personnage et le genre qu’il a crée avec un avant-gardisme ravageur. Tom Hardy, pourtant taillé physiquement comme les acteurs d’actions passés, personnifie ici la déchéance des héros stéréotypés d’anciennes productions filmiques à travers le mythe Max.

Autre acteur jouant de son physique pour désagréger le genre, Channing Tatum floute les frontières avec le film Magic Mike, histoire d’un jeune homme strip-teaseur et menuisier. Inspiré de sa propre vie, Channing Tatum est ici objet sexuel, loin de l’homme viril qui prend et agit dans l’action. Le réalisateur Steven Soderbergh a d’ailleurs travaillé la thématique du film en réponse à son précédent long-métrage Piégée, où le protagoniste principal est une espionne. Les statuts sont chamboulés dans ce diptyque où la femme obtient un rôle d’habitude attribué aux hommes et inversement. Que le corps de l’homme soit ouvertement un objet montré au regard de la femme, avec des muscles taillés pour le désir et non l’action bouleverse les codes. La plastique en tant que sujet narratif était jusqu’alors la charge et la fonction de la femme.

Mais le héros homme d’action n’est pas définit par son seul aspect viril, il est aussi dans l’imaginaire collectif un caractère et un esprit infaillible. Le choix d’orientation du personnage de Tony Stark dans Iron Man 3 était ingénieux et presque évident. Tony Stark vient de vivre dans Avengers un passage traumatique de son histoire où il a failli mourir et a affronter des forces surhumaines. En tant qu’humain sans pouvoir, son statut est précaire. Il est certes un génie et possède une armure, mais sans elle il est vulnérable et aussi mortel que les autres humains. Choqué, il ne veut même plus la quitter. Dans le troisième volet, le choix de montrer un personnage dépressif et inquiet face à des ennemis toujours plus menaçants était logique mais risqué. Ce volet a d’ailleurs moins plu que les précédents. Mais c’est une véritable avancée dans le choix d’évolution d’un arc narratif super-héroique.

Les films d’action imposent évidemment toujours l’archétype de l’homme fort et musclé, et des acteurs ont pris la relève comme Denzel Washington ou plus récemment Dwayne Johnson et Chris Hemsworth, mais un réel changement se fait quant au traitement du personnage dans le récit ou dans le choix de l’acteur. Luke Evans par exemple est certes un action men mais son homosexualité n’empêche pas l’obtention de rôles d’action dans les blockbusters du genre, de Fast and Furious au Hobbit. La femme d’action quant à elle est évidemment présente depuis plusieurs décennies avec des actrices comme Sigourney Weaver et Linda Hamilton qui ont ouvert la voie, mais ces personnages de femmes fortes sont aujourd’hui un peu plus démocratisées. De plus, l’aspect de ces actrices est plus asexué, résultat d’un public mixte où la spectatrice peut s’identifier à des personnages forts sans être un symbole sexuel. Je pense notamment à Daisy Ridley ou Alicia Vikander citée plus haut, qui va interpréter une Lara Croft plus athlétique que playmate. Les canons de beauté changent donc aussi avec les mœurs. Il y a d’autres personnages masculins qui bouleversent les codes du héros viril au Cinéma, notamment avec les films de 2016 Tarzan et Man on High Heels. J’ai partagé avec vous mes références et opinions, j’attends les vôtres.

Vaste débat… Je ne saurais quoi dire de plus que toi… Tout dépend aussi de l’origine du film…
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L’origine du film c’est à dire?
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Entre un film oriental et occidental l’image de l’homme ne sera pas la même…
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Oui en effet, mais malheureusement je ne vois pas assez de films orientaux pour en juger. Il y a bien Man on High Heels qui s’approche de la conception que le spectateur se fait du flic matcho et taciturne mais pour le coup le traitement du personnage est peut etre trop novateur pour un public occidental.
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Quel super article avec une bonne analyse. Je partage aussi ton sentiment en ce qui concerne l’évolution du cinéma d’aujourd’hui. J’irai même plus loin où maintenant (même si Hollywood doit encore progresser sur la question), il n’est pas rare de voir au premier plan des acteurs d’origine ethnique diversifié. Il y a encore 30-40 ans, cela n’aurait pas été possible alors qu’aujourd’hui, c’est le cas. Je citerai ainsi Star Wars avec John Boyega ou Oscar Isaac en tête d’affiche. Dans les séries TV, Into The Badlands, c’est Daniel Wu qui a le premier rôle.
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Je ne connais pas du tout Into The Badlands, je n’en ai même jamais entendu parler, je vais me renseigner. Pour les origines ethniques c’est vrai que tu as raison, mais là encore la diversité n’est pas « homogène » (moche comme expression mais je n’en ai pas trouvé d’autres). Quand je pense à Alien 2 où le personnage du gradé militaire est noir, et où c’était une grande première à l’époque, je me dis qu’on a quand même fait du chemin.
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Oui, c’est clair! Si tu aimes la SFFF et les films d’arts martiaux, tu devrais aimer Into The Badlands. J’attends la saison 2 avec impatience.
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Un article très intéressant (et j’ajouterais en toute modestie pertinent). L’évolution dans le cinéma en accords avec la socièté est un fait, mais je n’y avais pas prêter attention jusqu’à ce point.
En accord avec le commentaire précédent, c’est moins évident dans le cinéma oriental.
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Peut-être aussi parce qu’avec le cinéma oriental les mythes et archétypes sont différents. Après j’ai en tête des films orientaux dont le réalisateur est influencé par les usa, et là les personnages de flics macho sont pléthores.
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Il y en a de très beau, mais encore faut-il aimer les paraboles asiatiques et les combats…. aériens.
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J’aime beaucoup ton point de vue sur la question. En effet, il me semble qu’il est important de distinguer la virilité de la simple préférence sexuelle. On est ici dans une forme de codification du héros, traditionnellement attribué aux personnages masculin, et ce depuis les mythes antiques : le western et ses archétypes en découlent directement mais on peut néanmoins citer les quelques exemples qui mettent les femmes à l’honneur comme « rancho notorious » avec Marlene Dietrich, « 40 guns » avec Barbara Stanwick et le fameux « Johnny Guitar » avec Joan Crawford. Plus récemment, on ajoutera d’autres titres sans doute moins remarquables tout de même comme « Bandidas » ou « Jane got a gun ». J’ai aussi un petit faible pour le rôle confié à Renée Zellweger dans « Appaloosa » d’Ed Harris, coincée entre deux parangons de virilité à la proximité elle-même tendancieuse. Si le féminin semble peu à peu assimiler ces codes, la route est certes encore longue, et les exemples minoritaires (tu cites à raison le personnage de Ripley qui, à l’origine, était tout de même prévu pour être un homme). Et si on compte aujourd’hui un bon nombre de films sans femme, combien de films sans homme ?
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Je n’ai pas vu Rancho Notorious ni 40 Guns, et étrangement je n’ai pas vu encore vu Appaloosa, et le peu que tu en dis me donne très envie. Le fait que le rôle de Ripley ait été écrit pour un homme est d’autant plus intéressant que la plupart des rôles devraient être écrit ainsi. J’aurais d’ailleurs du en parler dans l’article mais je n’y ai pas pensé. On ne peut pas nier que les femmes et les hommes aient des différences, même au niveau de la force, et ce n’est pas discriminant de le dire car c’est juste vrai, mais il y a tellement peu de rôles de femmes fortes que s’en est blasant.
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Superbe analyse Marion, tu as tout dit ! Comme l’a écrit Goran, il n’y a pas grand chose à ajouter, ce qui est assez frustrant d’ailleurs hi hi ! Moi je me contenterai juste de dire que plus on avance dans le temps, moins le héros mââââle (LOL) répond à l’archétype du gars beau, parfait, pur, irréprochable etc… Tu as bien cité quelques exceptions mais il me semble que dans la plupart des films orientaux et occidentaux d’avant 1970 je dirais, le héros masculin était « parfait ». Maintenant il a toujours une part de noirceur ou en tous cas certains de ses actes sont condamnables (ça me fait penser à tous ces héros en voix de rédemption dont le passé était trouble). Tu vois ce que je veux dire ? Désolé si mon commentaire a l’air confus….. Gros bisou copine ❤
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Ce n’est pas du tout confus au contraire c’est même très sensé. Je pense que la part de noirceur des personnages « mâles » est présente depuis les débuts du Cinéma mais c’est vrai qu’on a tendance à en voir de plus en plus. Je pense que c’est parce que c’est ce que veut le public. En personnage très sombre par exemple il y a Harry Powell dans La nuit du chasseur.
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Un très bel article ! hâte de voir Alicia Vikander dans Lara Croft, c’est une actrice qui a un petit quelque chose qui me fais aimer certains de ses films. Dans Jason Bourne elle est très bien. Charlize Theron est impressionnante dans Mad Max. Bonne journée à toi Marion 🙂
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Oui la transformation physique de Charlize Theron est assez impressionante, mais pas que pour les cheveux. Elle a réussi a avoir une dureté incroyable dans le visage, c’est vraiment une actrice caméléon. Elle va jouer aussi dans le prochain Fast & Furious, je crois qu’elle a pris gout aux rôles musclés.
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Donc déjà pour commencer, un ENORME coeur pour Tom Hardy qui deviendra l’homme de ma vie, il faut juste que je lui fasse comprendre d’abord.
Pour ce qui est de ton article, je pense que ce mythe du héros au masculin est tenu par un comité d’hommes blancs qui travaillent pour les grandes boites de blockbusters et qui évitent de trop se mouiller quand il s’agit de changer un peu les normes. On a eu des avancées comme tu l’argumentes bien mais selon mon point de vue, ces avancées ne sont pas suffisantes. Et je pense qu’il faut sortir de l’industrie du cinéma et se tourner vers les nouveaux médias comme la série télévisée, les capsules web sur Youtube ou Vimeo pour voir à quel point le rôle de la femme commence à avoir des choix intéressants et enrichissants.
Disons qu’il y en a marre de voir toujours des belles nanas aux écrans, et je prends l’exemple d’Orange Is The New Black qui n’est pas la meilleure série du monde mais qui décline la femme sous toutes ses formes (de la plus maigre à la plus grosse, de la plus jeune à la plus vieille, de la plus masculine à la plus féminine etc). Ces nouveaux médias élargissent l’éventail de la représentation de la femme, à mon humble avis.
Pour le petit plus, il y a un test, celui de Bechdel, qui consiste en trois questions à montrer si les rôles de femmes dans un film sont seulement un faire-valoir ou si elles ont un réel intérêt… Et malheureusement, la moitié des films Hollywoodiens échouent encore au test… Donc à méditer
Merci pour cet article !
S
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Ce que tu dis fait complètement sens, et je suis d’accord que les avancées les plus frappantes se trouvent dans d’autres formats que le Cinéma. Et personnellement j’aime énormément Orange is the new black, je trouve que cette série est une des meilleurs proposées aujourd’hui. Pour le test de Bechdel, je le trouve un peu trop simpliste, il faudrait mettre plus de critères. Mais pour l’anecdote, drôle en passant, La reine des neiges ne réussi pas le test.
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Très bonne analyse, que je partage complètement. Merci de me rappeler à quel point j’adore ce nouveau Mad Max ! « De plus, l’aspect de ces actrices est plus asexué, résultat d’un public mixte où la spectatrice peut s’identifier à des personnages forts sans être un symbole sexuel. » Je crois que c’est ce qui résume parfaitement ce que j’en pense : je trouve que les personnages féminins sont beaucoup plus forts et beaucoup plus intéressants lorsque ce sont leur force qui sont mise en avant, non pas le fait que ce soit des femmes. Je suis toujours très gênée d’entendre que Mad Max ou Star Wars ( les derniers ) sont des films féministes, simplement parce qu’on retrouve des héroïnes féminines qui sont des véritables alter égo des hommes, indépendantes et fortes. Ca paraît soudainement si incroyable de voir de tels personnages, qu’il faut impérativement lui coller une étiquette alors même que tout cela devrait être une norme. Voir des personnages comme Furiosa, ça ne devrait même pas nous choquer.
En revanche, ce qui me rebute aujourd’hui, qui ne fait que commencer, c’est cette manie de faire des reboots avec des femmes comme personnages principales. Il n’y a qu’à voir Ghostbusters, et voir le résultat lamentable. J’ai l’impression que les studios cherchent à faire leur bonne action, en disant » tiens voilà, on a mis notre quota de nanas, sur un film avec des personnages déjà cultes, on est tranquilles » . Au contraire, je crois qu’il faudrait réussir à créer de nouveaux personnages mythiques féminins, c’est tellement plus fort.
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Tout à fait d’accord avec ton opinion sur les reboot. Déjà j’ai du mal avec le manque d’originalité des studios mais alors là on est dans la stupidité crasse.
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Après tous les navets qui mettent en scène des héros virils et machos, n’est-ce pas une certaine forme d’équité de voir désormais des nanars avec des filles en pole position ? Ceci dit, cela ne remet pas en question l’aspect bassement opportuniste d’une telle entreprise de la part des studios.
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Ca c’est bien probable !
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Cela a notamment été conceptualisé sous le terme de Syndrome de la Schtroumpfette 🙂 https://egouvernaire.wordpress.com/2016/07/17/le-principe-de-la-schtroumpfette/
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Je connais, je ne sais d’ailleurs plus si j’ai connu avant ou après avoir écrit cet article. D’ailleurs ce syndrome a un peu été détruit dans le dernier film d’animation Les Schtroumfs et ça fait clairement du bien!
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Après avoir vu le premier opus de « force » je me suis abstenu pour le second 🙂
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Avec un enfant à la maison je n’ai malheureusement aucune issue de secours ^^
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Oui je suis tombé dans le même piège avec les miens 🙂
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