Sorcières

Chabouté (scénariste, dessinateur). Editions Vents d’Ouest / 1998

Atmosphères sombres, campagnes perdues, entre sortilèges, philtres et envoutements, quelques vieilles mènent la danse. Avec ces histoires de chats noirs, de curés pas très catholiques, de pactes douteux, de poupées épinglées, et de divinations approximatives, il ne fait décidément pas toujours bon vivre dans nos campagnes.

Chabouté, c’est une patte reconnaissable entre toutes. Un trait noir et épais, des personnages qui ne sont jamais mis en avant à l’accoutumé (des gens de la campagne, des marginaux, …) et des fins souvent absurdes comme la vie. Sorcières, c’est un ensemble de scénettes autour d’un même sujet, souvent drôles, parfois terrifiantes, sur des femmes subissant des clichés et certaines les attisant. Il m’a été difficile de ne choisir qu’une oeuvre de Chabouté, surement le tout premier auteur BD dont j’ai suivi le travail, et ce depuis mon adolescence. Un auteur atypique mais indispensable.

Jupiter’s Legacy

Mark Millar (scénariste) et Frank Quitely (dessinateur). Panini Comics /2016 / 2 tomes.

En 1932, la recherche d’une mystérieuse source de pouvoir entraîne Sheldon Sampson, son frère Walter et un petit groupe d’alliés dans une quête autour du monde. Des décennies plus tard, Sheldon et Walter sont devenus des surhumains salués pour leur héroïsme. Mais à présent, une nouvelle génération doit prendre la relève et cette mission s’annonce bien difficile.

Les premiers supers héros sont vieillissants, et leurs progénitures sont des stars d’instagram sous coke, vivant la nuit sur les tapis rouges et dans les boites de nuit. Constat pathétique d’une époque faste révolue, où le manichéisme était de mise (affrontement méchant contre gentils, point), Jupiter’s Legacy se veut une oeuvre plus complexe et nuancée, permettant des personnages bien plus passionnants dans cet univers de super que pour la plupart des œuvres estampillées Marvel/DC.

Le Gout d’Emma

Emmanuelle Maisonneuve (scénariste), Kan Takahama (dessinatrice), Julia Pavlowitch (scénariste). Editions Les Arènes / 2018

Emma a un don, celui du goût. Grâce à la finesse de ses papilles, elle réussit à devenir inspectrice au prestigieux Guide Michelin. Elle réalise son rêve : découvrir les secrets des chefs. Sa mission est semée d’embûches. On l’envoie sillonner seule les routes de France pour visiter hôtels et restaurants. Elle mange trop, parfois mal, et se heurte au machisme du milieu. Mais guidée par sa passion pour la cuisine et son indépendance farouche, elle vivra une extraordinaire aventure sensuelle et humaine. Cette quête initiatique la conduira même jusqu’au Japon.

Attention, ce roman graphique donne faim! Du terroir français aux restaurants nichés dans des petites rues sinueuses au Japon, Le Gout d’Emma, autobiographie de la première femme au Guide Michelin, fait saliver au détour de chaque page. On y retrouve la volonté d’une cuisine authentique sans chichi, le gout pur avec des ingrédients de saison et locaux, qui invite au voyage et à la découverte. Une curiosité sur laquelle je ne pensais pas m’attarder mais qui m’a émerveillé au point de m’y replonger plusieurs fois, histoire de continuer encore ce voyage au coté d’Emma.

La Ligue des Gentlemen Extraordinaires

Alan Moore (scénariste) et Kevin O’Neill (dessinateur). Panini Comics / 1999

Londres, 1898. L’ère victorienne vit ses dernières années et le XXe siècle se profile. À cette époque de grands bouleversements, les champions sont plus que jamais nécessaires. Allan Quatermain, Mina Murray, le capitaine Nemo, le Dr Henry Jekyll, Edward Hyde et Hawley Griffin forment la Ligue des Gentlemen extraordinaires. Ces justiciers sont les seuls à pouvoir contrer la menace mortelle qui pèse sur Londres, la Grande-Bretagne, et la planète entière !

À cause de cette foutue daube qu’est l’adaptation de Stephen Norrington sortie en 2003, je me suis longtemps refusée à lire le comics original. Mais lectrice attentive de l’oeuvre de Moore, il fallait bien que je m’y mette un jour. Et quel gâchis que cette attente! Personnages beaucoup plus sombres et nettement moins lisses que dans le film, avec par exemple un Allan Quaterman alcoolique et un homme invisible visiteur de pensionnat de jeune fille, La ligue est un classique desservi par son adaptation. Univers steampunk, glauque à souhait, dessin génialement disproportionné, morale plus que douteuse, on retrouve bien la patte de Moore et de son pote O’Neill. Dans la veine de V pour Vendetta, du même auteur.

Beauté

Hubert (scénariste) et Kerascoët (dessinateur). Dupuis / 2013

Morue est une jeune fille que la nature n’a pas beaucoup gâtée, jusqu’au jour où une fée lui accorde la beauté. Présent inestimable ou cadeau empoisonné, son incroyable beauté va-t-elle faire de Morue une princesse adulée ? Un conte de fée d’un genre particulier, caustique et décalé.

Morue est aussi moche que son nom l’indique. Disgracieuse au possible, elle aide sans le savoir une fée, à qui elle demande pour service rendu de devenir jolie. Chose impossible selon la magicienne miniature, mais elle peut paraître la plus belle femme aux yeux du monde. Quel cadeau empoisonné que voilà, dont elle ne soupçonnait pas le fardeau! Fable à la morale douce et féministe comme les autres œuvres du très regretté Hubert, Beauté est un conte torturé qui fait réfléchir sur les rapports humains et les qualités qui ont de l’importance. Leçon qui semble peut-être bateau mais qui est rappelée avec tellement de douceur et de philosophie qu’il faut s’y plonger rapidement avec amour.