J’ai hésité à titrer « Cinéma de genre français ». Le problème est que la définition de cinéma de genre est tellement flou qu’il faudrait surement une thèse entière pour la définir, et surtout, ce terme est d’une imprécision affolante. Qu’est ce donc, un film de genre? Un cinéma qui refuse d’être aseptisé? Qui veut choquer, bousculer le spectateur lambda avec de la violence? Une ouverture de l’esprit vers le surnaturel, le fantastique et la science fiction? C’est en tout cas une attente forte d’une communauté de fan en quête d’hémoglobine et « d’ailleurs », loin de Bienvenue chez les Ch’tis ou Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu. Et même si l’horreur et le fantastique à la française ont un passé florissant avec des œuvres aussi classiques que Les yeux sans visage (George Franju, 1960), La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1946) ou Delicatessen (Jean-Pierre Jeunet, 1991) le cinéma de genre français vit des heures glorieuses depuis le début des années 2000, avec un magnifique sursaut depuis 5 ans. Petite exploration d’un cinéma français qui a du cran.

Haute Tension, réalisé par mon chouchou Alexandre Aja et sorti en 2003, fait parti de mes films préférés et résume assez bien ce que j’aime du cinéma de genre français: peu d’acteurs, des bidons de sang, un personnage qui prend cher tout au long du film, un twist final et une ambiance crasse. Car le français aime la noirceur cradingue, fait de boue sur la gueule et de sang séché, surtout sur des jolies gueules de demoiselles pas vraiment en détresses.

Oui, car ce qui est frappant dès l’affiche, c’est la propension de guerrière que le cinéma de genre français a décidé de mettre au premier plan, comme un pied de nez à une industrie qui n’offre que du mâle dominant. Le cinéma de genre cherche à aller à contre courant sur tout ce qui fait le cliché du cinéma français: refus de la comédie sur des réacs blancs, mise en avant de femmes d’apparence fragiles qui le sont bien moins une batte de base ball à la main. Des guerrières devant et derrière la caméra avec des réalisatrices comme Julia Ducournau ou Coralie Fargeat (et bien d’autres, tel que Marina de Van, Hélène Cattet, …) qui remontent les manches pour plonger dans un genre magnifié par elles, la première avec le cannibalisme (Grave, 2016), la deuxième avec le rape and revenge (Revenge, 2017), des genres pourtant difficiles d’accès de par des producteurs frileux face à un public restreint.

C’est une petite armée qui s’annonce, ces réalisateurs qui affrontent avec courage une industrie qui semble se refuser à eux. Car s’ils sont florilèges les talents qui ont été obligé de traverser l’Atlantique pour financer l’horreur, on retrouve aujourd’hui une volonté ferme de la part de quelques producteurs français d’offrir sa place à un genre qui pourtant trouve son public dans l’hexagone ainsi qu’une certaine légitimité, notamment au travers de festivals : FEFFS (Festival européen du film fantastique de Strasbourg), PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival), Festival du film fantastique de Menton ou le très célèbre Festival de Gerardmer. Certains éditeurs participent également à l’alimentation d’une passion de cinéphiles amoureux du genre avec des éditions vidéos qui trouvent définitivement leur public.

Car au fond, il n’y a que la passion pour animer cette industrie de films de genre. Une passion pour l’étrange, le bizarre et les pulsions, une catharsis bienvenue qui réfute la mièvrerie le temps d’une heure trente. Une commande de litron jouissive, d’immonde et d’inimaginable pourtant pensé, dans peu de pays en vérité, à l’heure où l’Amérique puritaine aspire à la tranche de spectateur 12-25 ans. Car aujourd’hui, l’horreur US se veut accessible pour les collégiens venus dépenser leur argent de poche pour du pop corn devant Conjuring 3. L’horreur à la française devient à mes yeux un rempart à la décence visuelle, grâce à une petite industrie outsider mais courageuse qui propose des films pour adulte, offrant deux issus: l’ultra gore (Sheitan, Frontières, Calvaire, Martyrs, … ) ou un cinéma d’horreur et fantastique mature. Plus complexe qu’il n’y parait de prime abord, le film de genre mature offre des réflexions de personnages adultes sur leur vie et le monde qui les entoure. En cela, Oxygène (Alexandre Aja, 2021) et Méandre (Mathieu Turi, 2021) en sont de parfaits exemples. Le contexte du film sert une dimension plus large, l’enfermement et l’horreur ne sont que des prétextes à des réflexions plus profondes et réels, plus adulte en somme, que ce que pourrait montrer un simple film d’horreur, et à mes yeux c’est ce qui ressort depuis quelques années du cinéma de genre français: l’atroce devient poésie et philosophie. Ces films à plusieurs lectures rendent le spectateur acteur, et même si ces deux films cités sont des œuvres fantastiques, elles sont définitivement encrées dans le réel de par leur moral et la vision qu’elles proposent.

N’en déplaise aux détracteurs binaires du Cinéma français, celui-ci parvient à offrir des films différents, pour un public plus mature et plus exigeant, avec des cinéastes à l’empreinte visuelle et aux convictions fortes. Demain sort La Nuée (Just Philippot) et Titane (Julia Ducournau) est prévu pour cet été, preuves en plus que le cinéma de genre français a encore de beaux jours devant lui. Pour terminer, une liste de quelques films de genre français sortis après 2000. Bon visionnage à tous et vivre le Cinéma français.