Réalisé par Sofia Coppola , Avec Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning, Colin Farell, …

Sorti le 23 août 2017 – Prix de la mise en scène en 2017 au Festival de Cannes

Je me suis fait un petit marathon ciné samedi dernier avec mon cher et tendre que je salue d’ailleurs car il est mon lecteur le plus assidu (en fait c’est peut-être lui toutes ces vues…). Et dans ce marathon ciné on a vu Les Proies. Je ne savais pas si je devais regarder la version de 71 pour faire une critique comparative ou si je devais lire le roman de base pour parler du film en tant qu’adaptation. Mais je préfère vous faire une critique du film comme oeuvre à part entière car il y a déjà beaucoup à dire.

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Synopsis (merci Allociné): En pleine guerre de Sécession, dans le Sud profond, les pensionnaires d’un internat de jeunes filles recueillent un soldat blessé du camp adverse. Alors qu’elles lui offrent refuge et pansent ses plaies, l’atmosphère se charge de tensions sexuelles et de dangereuses rivalités éclatent. Jusqu’à ce que des événements inattendus ne fassent voler en éclats interdits et tabous.

Sofia Coppola, je la suis depuis son premier film, Virgin Suicides. Elle n’a cessé depuis d’avoir les mêmes obsessions qu’elle met en avant grâce à la beauté virginale et souvent blonde de ses actrices. On retrouve ainsi dans Les Proies ces beautés à la peau et aux cheveux clairs, de l’enfant naïve et douce à la veuve au désir prêt à se réveiller. Elles sont toutes dans cette grande maison blanche, avec leurs robes blanches, sans homme dans cette routine ennuyeuse, cloisonnée. Et c’est cette routine qui rythme le montage, ce cloisonnement qui définit le cadre et le format d’image.

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La routine tout d’abord. Cette répétition est ennuyeuse il est vrai, mais cela traduit justement la lassitude des femmes, petites et grandes. La répétition est mise en avant par la redite des scènes montées comme une horloge, avec toujours dans le même ordre et au moins 3 fois: le soleil qui se lève, les jeunes filles qui se sont apprêtées, les leçons, les filles qui tournent autour de l’homme, le jardin, les bruits de la guerre qui se déroule à quelques kilomètres, le repas et la prière. C’est alors cet effet qui provoque l’ennui chez le spectateur, comme il le provoque chez les personnages.

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Le cloisonnement quant à lui est produit par le format d’image 1.66:1, qui donne des bandes à droite et à gauche du cadre plutôt que les traditionnelles bandes horizontales. Ce format presque cubique, accentué par les colonnes de la maison ainsi que par les grilles du domaine, illustre l’enfermement des personnages dans cette maison. Les grilles et la devanture de la maison coloniale sont comme les barreaux d’une cellule, dont un personnage surtout veut se défaire et pense y parvenir avec la venue d’un soldat nordiste ennemi.

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Cet homme justement, élément perturbateur de cette mécanique bien huilée, objet de fantasme des femmes, source d’amusement pour les plus jeunes. Toutes se l’arrachent, toutes se jalousent. La cruauté et la roublardise du personnage ne sont à mes yeux pas assez mis en avant pour qu’il soit totalement antipathique, tout comme son côté victime n’est pas assez poussé pour qu’on éprouve de l’empathie. Ce qui fait la faiblesse du film c’est que les personnages ne sont pas définis. Et si la volonté de la cinéaste était de les plonger dans une zone de flou pour laisser libre interprétation au spectateur, le traitement des personnages aurait alors du être plus énigmatique, que ce soit dans l’innocence ou dans le machiavélisme. Et si le film se veut féministe, il n’est pour moi qu’un amas de clichés sur la condition de femme qui ne se veut ici que fourberie. Cette maison est un labyrinthe d’expérimentation sur les femmes et Sofia Coppola est le savant fou qui teste ses expériences. Mais si le thème de la pauvre petite fille riche était mieux travaillé car plus nuancé dans ses autres films, il est ici un monceau d’ennui. Ce que la réalisatrice a voulu mettre en avant par des techniques de mise en scène élaborées et un format étroit, elle l’a juste montré scientifiquement, sans que les sentiments en découlent. Le tout est pourtant servi par des acteurs irréprochables et au sommet dans ce casting luxueux. Je suis sortie de la salle en ayant vu un film beau, point. La magie de la douceur des premiers films de Sofia Coppola a laissé place à une mise en scène froide. Un film excellent pour sa forme et oubliable pour son fond.

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Casting Les Proies sur la croisette, de gauche à droite : Elle Fanning, Nicole Kidman, Colin Farell, Sofia Coppola et Kirsten Dunst