Il y a peu de réalisateurs qui mettent tout le monde d’accord. John Carpenter est de cette trempe là. Si vous êtes un lecteur assidu de mon blog, vous savez d’ailleurs qu’il est le réalisateur de mon film préféré. Et ça n’a donc pas été de la tarte de ne parler que de trois films de ce bougre, parce que sa filmo, je la connais par cœur, que j’aime presque tous ses films, et qu’il y a bien plus de trois films cultes dans cette collection. Alors non je ne parlerai pas de Halloween, ni du Prince des Ténèbres ou de Assaut. J’ai partialement décidé aujourd’hui de parler de ces trois films à la qualité fort disparate:



Oui Ghost of Mars est dedans ne criez pas. Je l’aime d’amour bien que je reconnais la liste immense de défauts qui le définie. Je voulais un film plus récent du réalisateur, sans pour autant avoir envie de parler de The Ward. Les deux autres sont des trésors du cinéma intouchables.
Comme tout grand artiste, le monsieur à des obsessions qui traversent les décennies. C’est les idées fixes de grands réalisateurs que j’avais envie de mettre en avant dans cette rubrique nouvellement créer. D’ailleurs, à propos d’artiste, il dit quoi de lui-même Johnny?
En France, je suis un auteur, en Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un réalisateur de film d’horreur. Aux États-Unis, je suis un raté.
Prouvons donc à ses détracteurs ricains que Carpenter a de la suite dans les idées (fixes) et que l’homme est un fucking grand cinéaste.
Un film, un lieu
De la contrebasse et trois notes de Ennio Morricone, une nature blanche et vierge de tout en plein antarctique, un chien qui court et un hélicoptère qui le poursuit. C’est ainsi qu’on commence une légende. The Thing, je l’ai découvert au tout début de l’adolescence, et c’était un bouleversement. Il a assis ma passion pour le cinéma, et celle de beaucoup d’autres je pense. Plus que les acteurs, c’est le lieu qui est le personnage au centre de l’histoire; une station scientifique au milieu de nul part dans cet enfer blanc. Et les enfers de Carpenter sont tous définis dans ces films, au point d’être dans le titre, à l’image de New York 1997 et sa prison de Manhattan ou de Ghost of Mars et sa cité minière de Shining Canyon. John Carpenter réinvente dans ses films le huis clos. Les murs sont l’immensité glacée, un désert aride ou les ponts minés d’une île.
Et ces lieux, même s’ils sont habités, sont toujours liés à l’inconnu. Ainsi dans Ghost of Mars, la planète rouge est une terre nouvelle qui abrite l’inconnu et est source d’énigmes, à l’image de ce tunnel construit par l’Homme bien avant l’arrivée de ces nouveaux colons et ces martiens fantômes enfermés par un sceau. L’étendue glacée de The Thing est une terre vierge abritant sous la glace un vaisseau spatial et son alien. D’où vient-il, pourquoi s’est il crashé, que s’est-il passé dans la base norvégienne (réponse que donne malheureusement le The Thing de 2011, perpétuant l’habitude exécrable de ne laisser aucun mystère). New York 1997 a cette originalité d’être une ville connue tout en étant un questionnement sur ce qui attend Snake dans ce quartier prison déserté de toute autorité officielle.
Johnny hypocondriaque?
À la fin des années 70 et au début des années 80, le monde découvre avec terreur le SIDA. Et cette peur de contamination par le sang, on la retrouve dans The Thing, et se veut même la base du film. La peur des aiguilles est d’ailleurs bien présente dans New York 1997 quand Snake refuse l’injection au bloc avant l’arrivée à Manhattan, avant de l’accepter quand le médecin lui dit que c’est pour le protéger de toute contamination dans la ville. Dans Ghost of Mars, cette contamination est transportée par l’air, avec des fantômes se déplaçant avec le vent pour pénétrer l’orifice le plus approprié. Cet aspect organique, on le ressent partout, au travers des thématiques donc mais aussi des couleurs, avec des nuances franches et contradictoires. D’ailleurs, quel que soit les films du réalisateur, on retrouve une nette dominance de vert, bleu et rouge. Le vert et le rouge marquent quand ils sont ensemble l’opposition et souligne l’aspect organique du récit.
Échec et mat
Au delà d’un aspect visuel travaillé et entêtant, c’est la virilité et la puissance qui sont omniprésentes dans ces trois œuvres, même (et surtout) au travers des personnages féminins. C’est d’ailleurs la femme qui est au début de l’action de chacun des films, allant même jusqu’à déclencher le récit. The Thing, qui ne compte que des personnages masculins, a tout de même un cinglant message porté par la voix de Adrienne Barbeau, qui « double » l’ordinateur au tout début du film quand McReady perd une partie d’échec contre le PC qui répète alors inlassablement « échec et mat ». Au début de New York 1997, c’est une femme qui a détourné l’avion et hurle que la société américaine capitaliste sombrera. Dans Ghost of Mars, la commandante et son adjoint sont des femmes dont la poigne de fer n’a d’égale que leur combativité et leur adresse dans l’action. Cette virilité toute puissance est incarnée et symbolisée par Kurt Russell, acteur fétiche et grand ami de Carpenter au cours de leurs cinq collaborations. Car Snake Plissken, anti-héro de New York 1997, c’est une aura de transpiration virile, le regard profond et agressif et une inspiration infinie pour ceux qui viendront après, à l’image du jeu vidéo Metal Gear et son personnage Solid Snake.
John Carpenter est un artiste complet qui a travaillé de nombreux aspects de ses films, notamment avec des bandes originales cultes (Halloween) qu’il a composé, des scénarios mythiques et des montages iconiques. Parce que le monsieur touche à tout est un perfectionniste et est le maître de toute une génération de fou de Cinéma qui ne seraient rien sans lui. Il a en tout cas fait un nombre immense de films que je vénère et chéris. Alors je lui dis merci!

John Carpenter c’est aussi:
- Assaut, 1976
- Halloween, 1978
- Fog, 1980
- Christine, 1983
- Prince des Ténèbres, 1987
- Invasion Los Angeles, 1988
- L’Antre de la folie, 1995
- Vampires, 1998
… Et beaucoup d’autres
Tous ses films sont pour moi des plaisirs coupables, j’en critique ouvertement les scénarios et les personnages, mais j’y reviens souvent, en particulier the Thing, qui est une grande source d’inspiration en terme de jeu de rôle. J’ai récemment revu le Prince des ténèbres, vu la première fois au cinéma quand j’étais au collège. L’ambiance est toujours terrible et s’impose dans effets spéciaux, et cette fin… Merci pour ce nouvel article, ta production ces derniers temps est abracadabrantesque!
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Ah non faut pas dire que ce sont tous des plaisirs coupables! Les mots de Eddy de Pretto « virilité abusive » conviennet à presque tous ses films mais niveau scénar, construction des personnages, lieu, montage, … Tout est sublime. Je n’ai envie d’utiliser que des superlatifs pour ce réal que j’idolâtre ^^. Pourquoi abracadabrantesque?
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Comme je ne tiens pas du tout à te voir débarquer, un bandeau sur l’œil, un nerf dans la main, j’abonderai donc dans ta notification de sublimitude 🙂 Abracadabrantesque car rythme soutenu, et c’est bien!
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Ouais j’ai quitté mon travail il y a 3 semaines ^^’
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New York 1997, Christine et L’Antre de la folie pour moi et puis et puis…
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C’est ça la liste est beaucoup trop longue!
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🙂
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Même pas mon préféré de Carpenter dans la liste : L’antre de la folie. 😦 😉
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Pas dans les trois mais je l’ai mis à la fin. Celui là il est vraiment à part, objectivement l’un des meilleurs
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Pas grand-chose de constructif à dire mais j’aime beaucoup ta façon de parler ainsi de la patte d’un réalisateur via trois films. J’avais adoré The Thing, j’ai pris une bonne claque devant, mais je ne connais pas vraiment les autres films (un vague souvenir de Christine, vu quand j’étais enfant). Ça donne encore plus envie de découvrir davantage le réalisateur, et je vois que c’est comme les écrivains : ils ont tous leur obsession !
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New York 1997 c’est très particulier, tout en testostérone et en critique de l’Amérique, ce que fera Carpenter à de nombreuses reprises et surtout dans l’antre de la peur. Il vaut mieux voir après the thing un film comme Halloween, fog ou Assaut 😉
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Merci pour tes conseils ! 🙂
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Alors là je dis chapeau. Je le dis même plusieurs fois.
D’abord pour cet hommage à un des plus grands réalisateurs de série B, au sens le plus noble du terme. Son talent est à l’aune de celui des grands maîtres qui l’ont précédé : les Jacques Tourneur, les Robert Wise, les Don Siegel… Je ne cite que des maîtres de cinéma fantastique (en réalité ils ont tâté tous les genres) mais le caractère de Carpenter m’évoque aussi d’autres Plissken de ciné célèbres tels Sam Fuller, André de Toth, Nicholas Ray (je suis moins fan). Mais son modèle à lui reste le grand Howard Hawks, auquel il a rendu un hommage explicite au moins par trois fois : the Thing qui n’est autre que le remake d’un film qu’il a produit et en partie réalisé, mais aussi Assaut et Ghosts of Mars qui reprennent tous deux une structure similaire à Rio Bravo (Carpenter ne fait il pas appeler John T Chance au générique de Assaut, le nom porté par le Duke dans le chef d’œuvre de Hawks ?)
Mon deuxième coup de chapeau va évidemment à cette mise en valeur de Ghosts of Mars, film largement minoré, malmené même par les fans de Big John alors qu’il est absolument énorme. C’est sans doute le plus westernien de tous, un film sur des peaux rouges martiens qui scalpent des colons, sur une flic sous acide et un anarchiste (un Plissken black) en roue libre, sur une société gouvernée par des femmes, à peu près aussi mal que par les hommes. Mais ce sont bien elles qui prennent le mors aux dents dans Ghosts of Mars comme dans Halloween ou Fog (et Christine, dans tout c’est quand même la plus belle !) Quand on voit un film comme Bacurau, qui entend faire du « Joao Carpenterio » à sa manière, on mesure le fossé entre faire et vouloir faire comme. Il y a monde qui le sépare d’un film pourtant présenté comme raté tel que Ghosts of Mars! Le premier à l’air d’une zederie sans nom, le second un pur far-west aux frontières du genre. Je t’invite évidemment à aller lire le plaidoyer du Princécranoir sur le Tour d’écran pour Ghosts of Mars.
Enfin un dernier coup de chapeau pour cette analyse croisée qui rend parfaitement compte de la cohérence et de l’intégrité d’une œuvre pleine qui, dans son genre, ne souffre que de peu de ratés, qui n’a rien à envier à celle des plus grands cinéastes de l’ère moderne, les Kubrick et autres Spielberg.
Encore bravo à toi pour cette indépendance d’esprit, cette croisade menée à la gloire d’un grand réalisateur, qui aurait sans doute inspiré à notre cher Snake une réflexion du genre : » I don’t give a fuck about your war… or your president. »
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Merci pour cet hommage Marion ! John Carpenter est sous doute l’un des réalisateurs qui m’ont le plus marqué ! C’est vrai que dans ses films il y a souvent un sentiment de toute puissance, une violence un peu brutale… J’ai vu ses films quand j’étais jeune faudra que je remate toute sa filmographie !
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C’est une violence toujours très organique, avec des monstres gluants et des muscles saillants ^^
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Je suis venu me ressourcer à ton analyse après avoir revu « The thing ». J’y trouve encore matière à réfléchir notamment par rapport à ce que tu dis des aiguilles dans ta lecture transversale des trois films. Mais surtout c’est cette représentation mouvante, fluide, du Mal dissimulé qui hanté tous ses films ou presque, de la menace sans visage de « Assaut » au brouillard (fog) martien qui s’échappe des entrailles de la planète rouge transformant les forçats de la mine en « Ghosts of Mars » assoiffés de Massacre.
Encore un grand (Rio) Bravo à toi pour cette chronique.
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